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Fonctionnaires et agents publics: quel Droit de Retrait

Me Perrine ATHON PEREZ et Me Mathilde ACHARD • juin 16, 2020

Le droit de retrait permet à tout agent public qui estime que son service présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ou que les systèmes de protection présentent une défectuosité, d’alerter son employeur à ce sujet et de se retirer. 


Les textes qui régissent l’exercice de ce droit sont : 
• L’article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique qui s’applique aux fonctionnaires de l’Etat ;  
• L’article 5-1 du Décret n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale qui concerne les fonctionnaires territoriaux ; 
• Les fonctionnaires hospitaliers quant à eux se voient appliquer les dispositions du décret du 10 juin 1985 précité (CAA de LYON, 12 juillet 2010, n° 09LY00879) ou l’article L. 4131-1 du code du Travail par renvoi du 3° de l'article L. 4111-1 du même code (CAA NANTES, 20 septembre 2019, n° 17NT03330).  

Par exception, certaines missions de sécurité des personnes et des biens sont incompatibles avec l’exercice de ce droit. C’est le cas notamment des agents pénitentiaires en vertu de l’arrêté du 10 avril 1997 portant détermination des missions de sécurité des biens et des personnes incompatibles avec l'exercice du droit de retrait individuel du personnel pénitentiaire, ou encore des sapeurs-pompiers, policiers municipaux et garde champêtre en vertu de l’arrêté du 15 mars 2001 portant détermination des missions de sécurité des personnes et des biens incompatibles avec l'exercice du droit de retrait dans la fonction publique territoriale. 

Le mécanisme applicable aux agents publics est similaire à celui des salariés du secteur privé, qui se voient appliquer les articles L. 4131-1 et suivants du Code du travail. 

Avant tout, il est obligatoire que l’agent alerte son supérieur hiérarchique en amont de son retrait (CAA de MARSEILLE, 05 décembre 2019, n°18MA02006). Il lui fait part des éléments qui lui permettent raisonnablement d’estimer qu’un danger grave et imminent pèse sur lui dans le cadre de son service. Le danger doit être avéré - non pas seulement éventuel - et l’imminence du danger interdit que seuls des incidents passés justifient la mise en œuvre du droit de retrait (TA NANCY, 22 mars 2011, n° 0901907) . 
Ensuite, l’agent peut se retirer du service sans encourir ni sanction, ni retenue sur son salaire. 

A contrario, l’agent qui met en œuvre son droit au retrait de manière infondée - donc illicite - encoure des sanctions administratives et pécuniaires de la part de son employeur. En cas de divergence entre le salarié et l’administration, celle-ci n’a aucune obligation de saisir le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) avant d’infliger une sanction (CE, 18 juin 2014, Ministre de l’Education Nationale c/ Mme Maud C… et autres, n° 369531]) Néanmoins, l’administration doit justifier des motifs pour lesquels elle estime que l'exercice par le fonctionnaire de son droit de retrait est illicite (CE, 18 juin 2014, précité). 

Lorsque ces décisions sont soumises à son contrôle, le juge administratif possède un grand pouvoir d’appréciation (Conseil d'État, 16 décembre 2009, Ministre de la Défense, n°320840.

Dans le cadre de ce contrôle, le juge administratif a considéré que, ne constituait pas un danger grave et immédiat : 

• l’état de délabrement des salles de classe et l’exposition permanente des enseignants aux déjections de chauves-souris lesquelles ont envahi les faux plafonds du bâtiment (CE, 18 juin 2014, précité), 

• les entrées par effraction de personnes inconnues, à plusieurs reprises, dans les locaux d’un établissement de santé (CAA de LYON, 12 juillet 2010, précité),  

• l’absence de mesures correctives suite au suicide d’un agent affecté sur un site voisin, l’hospitalisation pour dépression d’un agent et l’hypertension artérielle d’un autre (CAA de MARSEILLE, 25 janvier 2019, n°17MA00151), 

• le « stress intense » dont faisait état l’agent qui se disait l’objet d’agissements constitutifs de harcèlement moral (CE, 16 décembre 2009, précité).

On comprend alors que la situation doit être d’une gravité suffisante pour justifier le retrait qui serait alors le seul moyen de préserver la vie et la santé de l’agent. Ainsi, des actes de violences qui agitent un lycée durant quatre jours sont, eux, considérés comme étant de nature à justifier le droit de retrait des enseignants dont la sécurité est compromise (CE, 02 juin 2010, n°320935)

Enfin, tant que persiste un danger, l’autorité administrative ne peut demander à son agent de reprendre son activité. 
En revanche, il a été jugé que les dispositions de l'article 5-6 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 précité ne subordonnent pas la reprise de son service par un agent ayant exercé son droit de retrait à une information préalablement délivrée par l'administration sur les mesures prises pour faire cesser le danger. Ces dispositions ne font pas non plus obligation à l’administration d’inviter l’agent à reprendre son travail dès que la situation de danger a disparu(CE, 2 juin 2010, précité).

Récemment, le juge administratif a rappelé l’étanchéité entre la procédure d’alerte par un membre du CHSCT (En l’espèce, prévu à l’article 7 du Décret n° 2011-619 du 31 mai 2011 relatif à la santé et à la sécurité au travail à La Poste ou plus largement à l’article 5-7 du Décret n°82-453 du 28 mai 1982 précité et le droit de retrait). Ainsi, un employeur qui ne ferait pas état de divergences sur la réalité du danger au cours de la procédure de traitement du droit d’alerte, ne reconnait pas pour autant implicitement la licéité du droit de retrait. Il peut alors parfaitement, s’il motive sa décision, considérer que le droit de retrait de l’agent est illicite alors même qu’il n’a émis aucune réserve sur le droit d’alerte et qu’il a pris des mesures à l’issue de cette procédure (CAA de MARSEILLE, 25 janvier 2019, précité)

De même, un agent qui justifiait son absence a posteriori en invoquant son droit de retrait alors même que plusieurs collègues témoignaient qu’il avait simplement l’intention de quitter son entreprise, qu’il avait d’ailleurs remis ses clés et son badge et été recruté par une société concurrente, peut justifier d’autoriser son licenciement pour abandon de poste (CAA de PARIS, 21 janvier 2020, n°18PA03800)

Il a aussi été jugé qu’un agent ne peut faire valoir son droit de retrait parce qu’il partage un bureau aux dimensions exigües avec deux autres collègues qui ferment les fenêtres et ont recours à la climatisation pour abaisser la température de la pièce à un niveau inadapté à son état de santé et qu'il aurait été incommodé par une forte odeur d'alcool à brûler émanant du bureau de l'un de ses collègues. L’agent en question alléguait pourtant - certificat à l’appui - qu’il souffrait d'asthme et d'allergie, qu’il devait travailler dans un environnement sans produit aérosol, sans climatisation en dessous de 24° et aéré par une fenêtre ouverte (CAA de BORDEAUX, 16 mars 2020, n°18BX01710)

Enfin, une auxiliaire de puériculture qui souffre d’une tendinite ne peut mettre en œuvre son droit de retrait au prétexte qu’elle ne peut plus porter de jeunes enfants dès lors que sa fiche de poste a été modifiée et que celle-ci consiste à accueillir les parents et à leur offrir un soutien ainsi qu'à participer à l'encadrement des activités des enfants. N’ayant plus à porter d’enfants, elle n’est pas exposée à un danger grave et imminent (CAA de BORDEAUX, 11 mai 2020, n°18BX01536).
par Perrine Athon-Perez 22 mars, 2024
Dans la vie de l’entreprise ou du travailleur indépendant, il est fréquent de devoir fournir à ses clients une attestation de vigilance. En principe, celui-ci est obligé de la demander à son prestataire lors de la conclusion du contrat puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution. On rappellera, à toutes fins utiles que cette obligation s’impose pour tout contrat d’un montant minimum de 5 000 €HT qui porte sur l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de services ou l’accomplissement d’un acte de commerce (contrats de production, de fabrication, de transformation, de réparation, de construction, de fourniture, de vente, de travaux agricoles, de prestations de services, matérielles, intellectuelles ou artistiques, de transport, de sous-traitance industrielle ou de travaux). On le sait, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) est en litige avec l’URSSAF, il est fréquent qu’elle (il) se voit opposer par la Caisse un refus de délivrer une attestation de vigilance . Or cette situation n’est pas toujours normale . Trop d’entrepreneur l’ignorent mais le code de la sécurité sociale prévoit que l’URSSAF est tenue de délivrer l’attestation, même lorsqu’il y a un arriéré de cotisations non payées, dès lors que l’entreprise (ou le travailleur indépendant) en conteste le montant par recours contentieux. En somme, lorsque l’intéressé a porté son litige devant une juridiction, l’URSSAF n’a pas le droit de lui refuser la délivrance de l’attestation. Attention , il faut quand même prendre en compte deux points : Pour que l’attestation puisse être délivrée en cas d’impayé de cotisations, il faut que l’ensemble des cotisations impayées fasse l’objet d’un recours, et pas seulement une partie. Par ailleurs, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) a fait l’objet d’une verbalisation pour travail dissimulé transmise au procureur de la République, l’attestation ne peut être délivrée tant qu’elle (il) n’a pas payé les cotisations et contributions dues suite au chiffrage résultant de la verbalisation pour travail dissimulé. Conseils : En cas de refus d’attestation de vigilance, il est vivement recommandé de demander au préalable à l’URSSAF le motif de ce refus. Il est en effet rarement donné d’emblée. Si l’URSSAF ne défère pas à cette demande de motivation ou s’il s’avère que le refus est motivé par des cotisations impayées discutées devant un tribunal judiciaire, il est possible de contester la décision de l’URSSAF en formulant un recours écrit qui peut être envoyé par lettre recommandé avec accusé de réception et/ou via l’espace en ligne de l’URSSAF. Enfin si l’URSSAF persiste à refuser de délivrer l’attestation, le recours peut être porté devant le tribunal judiciaire en ajoutant éventuellement une demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du refus illégal. Attention, avant de saisir le Tribunal, il peut être utile de prendre conseil auprès d’un avocat pour vérifier les chances de succès de l’action et les modalités du montage du dossier. Droit applicable : Articles L243-15 du code de la sécurité sociale
par Perrine Athon-Perez 28 févr., 2024
Si un huissier vous a signifié une contrainte délivrée par l’URSSAF ou par un organisme social, vous devez réagir très vite. En effet, en cas de contestation de la somme réclamée dans la contrainte, vous disposez d’un délai de 15 jours pour faire le nécessaire. Dans ce délai, vous devrez : - Vérifier si la somme réclamée est fondée et suffisamment expliquée par la caisse. - Vérifier si, préalablement à la contrainte, l’URSSAF ou l’organisme de sécurité sociale vous a adressé une mise en demeure. - Vérifier si les cotisations réclamées ne sont pas prescrites. Si, vous décelez une ou plusieurs anomalies (d’après la liste énumérée ci-avant), vous avez tout intérêt à former une opposition à la contrainte. Cette démarche consiste à saisir le pôle social du tribunal judiciaire dont vous dépendez (en principe il est indiqué sur le courrier que l’huissier vous a remis) d’un acte de contestation de la contrainte. Une fois saisi, le recouvrement de la dette est suspendu jusqu’au jugement que rendra le tribunal judiciaire. Attention : l’opposition à contrainte doit être motivée sinon elle est irrecevable. Également, il faut bien penser à joindre une copie de l’acte remis par l’huissier. Conseils : o Il est vivement recommandé de former opposition à contrainte via une lettre recommandée avec accusé réception et d’en conserver une copie. Si l’huissier venait à poursuivre l’opération de recouvrement (via une saisie sur vos comptes par exemple), il vous faudra prouver que vous avez saisi le tribunal pour suspendre ses actions. o Une procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire peut durer plusieurs mois voire plusieurs années. Dans certains cas, il peut être utile de tenter de régulariser la situation avec l’URSSAF en parallèle de la procédure d’opposition à contrainte afin de faire avancer la situation plus rapidement. o Une contrainte délivrée par l’URSSAF s’inscrit souvent dans une situation de conflit plus large avec l’organisme. Les délais de prescription en matière de recouvrement de cotisations sociales sont facilement prorogeables et des sommes, mêmes très anciennes, peuvent peut-être encore vous être réclamées. Afin d’éviter d’aggraver la situation, par les majorations de retard notamment, il est vraiment préférable d’opter pour une stratégie d’assainissement en procédant à un examen global de celle-ci. Plus vous repoussez les échéances, moins vous avez de chances, à terme, d’obtenir des remises de pénalités ou des délais de paiement si nécessaire. Droit applicable : Articles L244-9 et suivants du code de la sécurité sociale Articles R133-3 et suivants du code de la sécurité sociale Cour de cassation, chambre civile 1, 28 septembre 2016, N° de pourvoi: 14-29776
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